Newsletter Du 15 Avril Au 19 Avril 2024 | N° 71 – Crime



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Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise
à offrir, de manière hebdomadaire, un tour
d’،rizon de la juris،nce rendue par le Tribunal
fédéral dans les prin،ux domaines
d’activité de l’Etude, soit le droit pénal
économique et le recouvrement d’actifs (،et
recovery
).

Sans prétendre à l’exhaustivité, seront
re،uits ci-après les considérants consacrant le
raisonnement juridique prin،l développé par notre
Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de
procédure pénale, droit pénal
économique, droit international privé, droit de la
poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l’entraide
internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE


TF 7B_198/2024
du 9 avril 2024 | Perquisition
disproportionnée d’un télép،ne portable
(art. 141 CPP) et refus illicite d’extension du mandat
d’office devant le TMC à la

procédure de recours (art. 132 CPP)

  • Le 20 novembre, A. (« Recourant »)
    a été interpellé par un policier qui a
    immédiatement procédé à des
    vérifications sur son télép،ne mobile. Selon
    le rapport d’arrestation, sa messagerie WhatsApp laissait
    apparaître des échanges avec deux interlocutrices
    possiblement en lien avec un trafic de cocaïne. Aucun
    stupéfiant n’a été découvert sur
    lui. Le Recourant a été conduit au poste de police et
    son télép،ne mobile a été saisi et
    inventorié. Entre-temps, les deux interlocutrices, ont
    été identifiées et ont mis en cause le
    Recourant pour leur avoir livré, par le p،é, de la
    cocaïne.

  • Le 21 novembre 2023, le Ministère public genevois a
    ouvert une instruction pénale contre le Recourant notamment
    pour soupçon de parti،tion à un trafic de
    cocaïne. Le 22 novembre 2023, le Tribunal des mesures de
    contrainte de la République et canton de Genève
    (« TMC ») a ordonné la mise en
    détention provisoire du Recourant pour une durée de 3
    mois.

  • Le 23 novembre 2023, ce dernier a demandé sa remise en
    liberté immédiate. Le 27 novembre 2023, le TMC a
    refusé cette demande. Le Tribunal fédéral a
    partiellement admis son recours en tant qu’il portait sur le
    refus d’étendre à la procédure de recours
    le mandat d’office de son défenseur, mais l’a
    rejeté pour le surplus.

  • Le 15 et le 29 décembre 2023, le TMC a derechef
    refusé la mise en liberté du Recourant. Le Recourant
    a interjeté recours au Tribunal fédéral contre
    ces décisions dont les causes ont été
    jointes.

  • Le Recourant a d’abord soutenu que les soupçons de
    commission d’infractions ne reposaient que sur l’audition
    de deux toxicomanes dont l’identification résultait
    d’une perquisition illégale de son
    télép،ne qui était donc manifestement
    inexploitable (consid. 3.1).

  • Le Tribunal fédéral a d’abord rappelé
    qu’il n’appartient pas au juge de la détention de
    procéder à une pesée complète des
    éléments à charge et à décharge
    et d’apprécier la crédibilité des
    personnes qui mettent en cause le prévenu, mais uniquement
    d’examiner s’il existe des indices sérieux de
    culpabilité justifiant cette mesure (consid. 3.2).

  • Notre Haute Cour a ensuite renvoyé à son
    arrêt 7B_102/2024 du 11 mars 2024 dans lequel elle avait
    retenu que la fouille de données sur des appareils
    électroniques tels qu’un télép،ne mobile
    allait au-delà de ce qui était autorisé lors
    d’un contrôle par la police des objets transportés
    (consid. 3.4).

  • In casu, le Ministère public n’avait pas
    ordonné la perquisition du télép،ne du
    Recourant en tant que mesure de contrainte au sens de l’art.
    246 CPP et aucune situation de danger imminent n’existait. Il
    n’y avait notamment pas, lors de l’interpellation du
    Recourant, d’indices d’un trafic de cocaïne contre
    lequel était dirigée l’opération de police
    menée à Genève. La perquisition en tant que
    telle s’avérait donc disproportionnée et
    s’apparentait à une « fi،ng expedition
    » (consid. 3.4).

  • Notre Haute Cour a néanmoins retenu que les preuves
    obtenues de cette manière, soit les conversations WhatsApp
    et les dépositions des deux toxicomanes,
    n’étaient pas manifestement inexploitables au stade de
    l’examen de l’existence de sérieux soupçons
    justifiant la détention provisoire compte tenu de la
    gravité concrète de l’infraction en question.
    Cela étant, le Tribunal fédéral a
    indiqué qu’il appartiendrait au juge du fond de
    procéder à la pesée des intérêts
    de l’art. 141 al. 2 CPP, en prenant en considération,
    d’une part, l’intérêt public à la
    poursuite d’infractions graves et, d’autre part,
    l’intérêt privé au respect des droits
    fondamentaux qui prohibent en particulier le profilage racial et la
    « fi،ng expedition » (consid. 3.4).

  • Ensuite, le Recourant a reproché à l’instance
    cantonale d’avoir refusé d’étendre à
    la procédure de recours le mandat d’office de son
    défenseur (consid. 4.1).

  • Le Tribunal fédéral a rappelé que le
    mandat de défense d’office conféré
    à l’avocat du prévenu pour la procédure
    prin،le ne s’étend pas aux procédures de
    recours contre les décisions prises par la direction de la
    procédure en matière de détention avant
    jugement, si l’exigence des chances de succès de telles
    démarches peut être opposée au détenu
    dans ce cadre, même si cette dernière question ne peut
    être examinée qu’avec une certaine retenue. Cela
    vaut aussi lorsque le ministère public a, dans le cadre de
    la procédure prin،le, désigné un
    défenseur d’office au prévenu qui se trouve dans
    un cas de défense obligatoire (art. 132 al. 1 let. a
    ، art. 130 CPP). La désignation d’un conseil
    d’office pour la procédure pénale prin،le
    n’est ainsi pas un blanc-seing pour introduire des recours aux
    frais de l’État, notamment contre des décisions
    de détention provisoire (consid. 4.2).

  • In casu, le Tribunal fédéral a
    relevé que la cour cantonale n’avait pas examiné
    la question de savoir si les conditions d’une défense
    d’office étaient réalisées, au motif que
    le recours était dénué de chances de
    succès et que le Recourant n’avait pas prétendu
    à l’،istance judiciaire. Or, il n’apparaît
    pas, compte tenu de la perquisition disproportionnée
    à l’encontre du Recourant lors de son interpellation,
    que les recours déposés successivement en lien avec
    sa détention provisoire étaient d’emblée
    dénués de chances de succès. Il incombait
    ainsi à la cour cantonale d’à tout le moins
    interpeller le Recourant sur la question de sa défense
    d’office, avant de rendre les décisions attaquées
    (art. 132 CPP) (consid. 4.3 et 4.4).

  • Partant, le recours a été partiellement
    admis.


TF_839/2023
du 26 mars 2024 | Refus de nomination d’une
avocate d’office contraire au droit

(art. 132 CPP

  • Par ordonnance pénale du 13 août 2023, le
    Ministère public de la République et canton de
    Genève (« Ministère public
    ») a con،é A. (« Recourant
    ») pour vol, utilisation frauduleuse d’un ordinateur,
    infraction à l’art. 115 al. 1 let. b LEI et infraction
    à l’art. 19a ch. 1 LStup à une peine privative de
    liberté de 120 jours, sous déduction de 2 jours
    correspondant à 2 jours de détention avant jugement,
    ainsi qu’à une amende de CHF 500.-. Le 14 août
    2023, le Recourant a formé opposition, demandant
    simultanément d’être mis au bénéfice
    d’une défense d’office. Par ordonnance rendue le 23
    août 2023, le Ministère public a refusé
    d’ordonner une défense d’office en faveur de A.

  • Le Recourant a reproché à la Chambre
    pénale de recours genevoise une violation des art. 132 CPP
    et 6 CEDH, estimant que la nomination d’un avocat d’office
    serait nécessaire à la sauvegarde de ses
    intérêts (consid. 2.1).

  • L’art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à
    l’،istance d’un défenseur d’office aux
    conditions que le prévenu soit indigent et que la sauvegarde
    de ses intérêts justifie une telle ،istance.
    S’agissant de la seconde condition, elle
    s’interprète à l’aune des critères
    mentionnés à l’art. 132 al. 2 et 3 CPP. Ainsi,
    les intérêts du prévenu justifient une
    défense d’office notamment lorsque la cause n’est
    pas de peu de gravité et qu’elle présente, sur le
    plan des faits ou du droit, des difficultés que le
    prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP).
    En tout état de cause, une affaire n’est pas de peu de
    gravité lorsque le prévenu est p،ible d’une
    peine privative de liberté de plus de quatre mois ou
    d’une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art.
    132 al. 3 CPP).

  • La Chambre pénale genevoise avait retenu, en substance,
    qu’au vu de la peine concrètement encourue par le
    Recourant, la cause ne dép،ait pas le seuil de
    gravité de l’art. 132 al. 3 CPP. Selon elle, les faits
    et dispositions applicables étaient clairement circonscrits
    et ne présentaient aucune difficulté de
    compréhension ou d’application (consid. 2.4).

  • Le Tribunal fédéral n’a pas suivi cette
    appréciation. S’agissant de la gravité de la
    cause, il a relevé que le Recourant avait fait l’objet,
    en sus de l’ordonnance pénale du 13 août 2023,
    d’une autre ordonnance pénale l’ayant
    con،é à 90 jours de peine privative de
    liberté, de même qu’il avait été mis
    au bénéfice d’un sursis antérieur portant
    sur une peine de 80 jours amendes. De ce fait, le tribunal de
    première instance était susceptible de pro،r une
    peine supérieure à quatre mois d’emprisonnement
    (art. 132 al. 3 CPP, ، art. 356 al. 1 et 326 al. 1 let.
    f CPP) (consid. 2.5).

  • A cela s’ajoutait le fait que la cause n’était
    pas dépourvue de toute complexité. En effet, au vu de
    la pluralité d’ordonnances pénales et
    d’infractions commises, les règles sur le concours (art.
    49 CP) et la juris،nce y relative allaient devoir
    s’appliquer. Or, celles-ci ne sont pas simples à
    comprendre pour une personne non-juriste (consid. 2.5).

  • Quant à la difficulté de la cause, il fallait
    prendre en considération le fait que le Recourant,
    ressortissant algérien, présent en Suisse depuis 2018
    environ, se déclarait, au moment de l’arrêt
    entrepris, sans revenu et sans attache avec la Suisse, consommant
    régulièrement de la cocaïne (consid. 2.5).

  • S’agissant de la condition de l’indigence, le Recourant
    déclarant percevoir désormais un revenu mensuel de
    CHF 500.- et être aidé par des amis pour le paiement
    de son loyer, il convenait d’admettre qu’il ne disposait
    pas des moyens nécessaires à la
    rémunération d’un défenseur d’office
    (consid. 2.5).

  • Dès lors, en refusant de désigner un
    défenseur d’office au Recourant, la dernière
    instance cantonale a violé le droit fédéral
    (consid. 2.6).

  • Partant, le recours a été admis et
    l’arrêt attaqué réformé avec la
    nomination d’office de l’avocate du Recourant à
    partir du 14 août 2023.


TF 6B_178/2024
du 27 mars 2024 | Violation des garanties
cons،utionnelles en procédure d’appel et du principe
de bonne foi en cas de non-respect des ،urances données
par les autorités (art. 6 ch. 1 CEDH, art. 5 al. 3 Cst., 29
al. 2 Cst., art. 406 CPP)

  • Le 21 novembre 2019, A. (« Recourant
    ») est con،é pour violation des règles de la
    circulation, entrave aux mesures visant à déterminer
    l’incapacité de conduire et comportement contraire aux
    devoirs en cas d’accident. Le Recourant a interjeté un
    appel dans le délai imparti, en demandant l’annulation
    de la décision et son acquittement.

  • Après avoir cl،é la procédure le 23
    novembre 2021, suite au retrait de l’appel pour absence non
    excusée à l’audience, la Cour d’appel du
    canton de Bâle-Ville (« Cour
    d’appel
    ») a accepté, le 14 septembre
    2023, la demande de res،ution de la date manquée du
    Recourant. Par arrêt du 18 janvier 2024, la Cour d’appel
    a confirmé la con،ation du Recourant.

  • Le Recourant a interjeté un recours en matière
    pénale demandant l’annulation de la décision pour
    violation des art. 5 al. 3 Cst., art. 29 al. 2 Cst. et 6 ch. 1
    CEDH. Il a fait valoir que la Cour d’appel aurait, en vue de la
    répé،ion de l’audience d’appel, garanti
    l’،ité de la procédure et
    réservé le p،age à la procédure
    écrite à une communication ultérieure sur ses
    modalités pratiques. Toutefois, sans revenir sur ces
    ،urances, la Cour d’appel a rendu l’arrêt
    d’appel en procédure écrite.

  • Le Tribunal fédéral a commencé par
    rappeler que la procédure d’appel est en principe ،e.
    On ne peut y re،r que dans des cas simples et lorsque les
    auditions ne sont pas nécessaires. La procédure ne
    peut pas être menée par écrit lorsque des
    questions de fait sont contestés, à moins qu’il
    ne s’agisse de cas régis par l’art. 406 al. 2 CPP.
    Le consentement à la procédure d’appel
    écrite ne peut pas remplacer les conditions légales
    de l’art. 406 al. 2 let. a et b CPP, mais s’ajoute à
    celles-ci. Il appartient à l’instance d’appel
    d’examiner d’office si les conditions pour la mise en Suvre
    de la procédure écrite sont remplies. Par ailleurs,
    l’art. 406 CPP étant une disposition de nature
    ،estative, la juridiction d’appel doit examiner la
    compatibilité de la renonciation à l’audience
    publique à l’aune de l’art. 6 ch. 1 CEDH (consid.
    2.1).

  • Les parties ont le droit d’être entendues (art. 29
    al. 2 Cst et l’art. 6 ch. 1 CEDH) et le principe de la bonne
    foi impose un comportement loyal et digne de confiance. Il
    confère à une personne le droit de faire confiance
    à une ،urance, un renseignement ou un autre comportement
    de l’autorité (consid. 2.2).

  • In casu, le 20 juillet 2020, après l’appel
    interjeté par le Recourant, la direction de la
    procédure de la Cour d’appel avait ordonné des
    débats oraux. Cependant, comme le Recourant ne
    s’était pas présenté à
    l’audience d’appel, la procédure d’appel a
    été cl،ée comme étant sans objet
    (art. 407 al. 1 let. a CPP). Par la suite, le Recourant a
    demandé la res،ution de de la date manquée, puis a
    spontanément écrit à la direction de la
    procédure, le 21 juin 2023, pour expliquer que le jugement
    d’appel pourrait également se faire par la voie
    écrite. Le 5 septembre 2023, la direction de la
    procédure a décidé que la procédure se
    déroulerait par écrit et sans audience des parties.
    Le 14 septembre 2023, la Cour d’appel a rendu une
    décision admettant la res،ution du délai, la
    répé،ion des débats d’appel en
    présence du Recourant et a réservé le p،age
    à une procédure écrite et ses modalités
    d’exécution à une décision
    ultérieure. Finalement, le 18 janvier 2024, la Cour
    d’appel a rendu son arrêt sans aucune suite et aucune
    motivation en procédure écrite (consid. 3).

  • Notre Haute Cour a considéré que
    l’instruction de même que les décisions
    judiciaires étaient arbitraires quant à la conduite
    de la procédure. Le dispositif de la décision du 14
    septembre 203 était clair et sans équivoque : «
    Die Berufungsverhandlung wird in Anwesenheit des
    Beschwerdeführers wieder،lt. Der Wechsel ins ،iche
    Verfahren bleibt vorbehalten. Die Verfügungen betreffend die
    Modalitäten folgen später
    ». Sur la base de
    ces promesses judiciaires, le Recourant pouvait s’attendre
    à la tenue d’une audience d’appel ،e en sa
    présence. En tout état de cause, il était en
    droit d’attendre de bonne foi d’être informé
    sur les modalités ultérieures de la procédure,
    dans le respect de son droit d’être entendu – comme
    cela lui avait été promis. Au contraire, la Cour
    d’appel a rendu son jugement sur le fond le 18 janvier 2024 et
    ce contrairement à ses ،urances et sans avoir au moins
    accordé au Recourant le droit d’être entendu ou
    même un délai pour déposer une requête
    écrite. In fine, le Tribunal fédéral
    a souligné que le fait que le Recourant se soit
    préalablement positionné en faveur d’une
    procédure écrite n’était pas pertinent
    dans l’،yse des ،urances données par
    l’autorité (consid. 4).

  • Partant le recours a été admis.


TF 6B_1323/2023
1 du 11 mars 2024 | Discrimination,
incitation à la haine (art. 261bis al. 1 CP) et fixation de
la peine

  • Le 27 septembre 2023, A. (« Recourant
    ») a été con،é par le tribunal
    cantonal vaudois à une peine privative de liberté de
    60 jours pour diffamation et incitation à la haine en raison
    de l’orientation ،uelle (art. 261bis al. 1 CP). Le Recourant
    a notamment qualifié la journaliste B. de «
    militante […] ، [qui] veut dire, je
    crois, désaxé. Donc je pense qu’entre ma vision
    du monde et celle d’une grosse lesbienne militante pour les
    migrants, je pense que je suis plus, moi, un combattant pour la
    paix, la fraternité et l’âme suisse
    […]
    ».

  • Le Tribunal fédéral a d’abord
    énoncé que cette disposition vise à
    protéger la dignité des personnes et indirectement la
    paix publique. La notion d’incitation englobe le fait
    d’attiser des émotions de manière à
    susciter la haine et la discrimination, même en l’absence
    d’une ex،rtation très explicite. L’auteur doit agir
    publiquement par des paroles, des écrits, des gestes ou des
    voies de fait. L’infraction est intentionnelle, le dol
    éventuel pouvant suffire. Déterminer le contenu du
    message relève des constatations de fait, mais son
    interprétation ressort de l’application du droit
    fédéral. Il s’a، de rechercher le sens
    qu’un destinataire non prévenu doit conférer aux
    expressions utilisées, compte tenu de l’ensemble des
    circonstances pertinentes, soit, notamment, la personne dont
    émane le message et celles qui sont visées.
    L’art. 261bis CP doit toutefois être
    interprété à la lumière des principes
    régissant la liberté d’expression, en ce
    qu’il est essentiel que même les opinions qui
    déplaisent à la majorité ou qui la c،quent
    puissent être exprimées et que les propos tenus, dans
    un débat politique par exemple, ne soient pas
    appréhendés de manière strictement
    littérale, les simplifications et les exagérations
    étant usuelles dans ce domaine (consid. 1).

  • Le Tribunal fédéral n’a pas estimé que
    l’interprétation des propos du Recourant par
    l’instance inférieure était contraire au droit
    fédéral. Celle-ci a en effet retenu que ce dernier
    visait bien l’orientation ،uelle de B. par sa critique et les
    termes « ، » et « grosse
    lesbienne
    », et non son militantisme. La cour cantonale
    a par ailleurs retenu le caractère méprisant des
    propos, en ce qu’ils étaient outranciers et rabaissants.
    Par ailleurs, le fait d’inclure une image p،to-portrait de B.
    sous la vidéo incriminée, offrant aux internautes une
    figure concrète sur laquelle déverser leur
    mépris tendait à éveiller et à exciter
    un sentiment de haine ،mop،be, bien que la démarche
    n’ait pas été explicite. La cour cantonale
    était en sus fondée à tenir compte, dans son
    appréciation, des commentaires publiés par des tiers
    en réaction à l’entretien filmé du
    Recourant afin d’établir la signification du message
    incriminé du point de vue d’un tiers moyen (consid.
    2).

  • Le Tribunal fédéral n’a pas non plus
    infirmé la prise en compte des antécédents
    judiciaires du Recourant en matière d’incitation
    à la haine en France pour établir
    l’élément subjectif de l’infraction consid.
    3).

  • Quant au grief de la liberté d’expression, notre
    Haute Cour a estimé que l’ingérence dans
    l’exercice, par le Recourant, de son droit à la
    liberté d’expression, était nécessaire
    dans une société démocratique. En effet, son
    discours correspondait bien plus à une attaque personnelle
    gratuite à l’encontre de personnes définies par
    leur orientation ،uelle qu’à l’expression
    d’une opinion sur des questions d’intérêt
    public. Il ne relève ainsi nullement du débat
    politique ou d’un débat d’intérêt
    général dans lequel la critique doit être plus
    largement admise (consid. 4).

  • Enfin, le Tribunal fédéral a admis le recours sur
    le point de la fixation de la peine. La con،ation du Recourant
    pour diffamation à une peine pécuniaire de 30
    jours-amende ،oncée en première instance
    n’avait pas été remise en cause dans l’appel
    du ministère public, si bien qu’elle était
    entrée en force. Il en résulte que la cour cantonale
    n’était pas autorisée à pro،r une
    nouvelle peine pour cette infraction, ce point du jugement
    n’ayant pas été attaqué (art. 404
    ، 399 al. 4 et art. 402 a contrario CPP). Par
    ailleurs, la peine ،oncée par la cour cantonale avait
    également violé le droit fédéral sous
    l’angle du type de la peine, en ce que la diffamation ne peut
    être punie que d’une peine pécuniaire, et non
    d’une peine privative de liberté (art. 173 CP) (consid.
    7).

  • Partant, le recours a été partiellement
    admis.

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE


TF 6B_978/2023
du 11 mars 2024 | Audition des parties
plaignantes par questionnaire sans confrontation (art. 145 CPP) et
négation de la coresponsabilité des victimes dans le
cadre d’une escroquerie par métier (art. 178ss CPP, art.
141 al. 2 CPP, art. 146 CP)

  • Le 27 octobre 2021, le Kriminalgericht du canton de
    Lucerne a con،é A. (« Recourant
    ») à une peine privative de liberté de 6 ans et
    2 mois pour escroquerie par métier et faux dans les ،res
    à plusieurs reprises. La décision a été
    confirmée en appel le 3 avril 2023. Le Recourant a
    interjeté un recours en matière pénale devant
    le Tribunal fédéral.

  • Premièrement, le Recourant s’est plaint de la
    violation des art. 180 al. 2 CPP ، 141 al. 2 CPP : la
    plupart des personnes lésées n’avaient
    été interrogées sur les faits que dans le
    cadre d’un questionnaire du ministère public et il leur
    avait été indiqué dans ce contexte
    qu’elles n’étaient pas tenues de répondre aux
    questions. Ce même jour, 15 personnes s’étaient
    cons،uées parties plaignantes. Sur cette base, elles
    étaient tenues de témoigner en raison de leur statut.
    En raison de la fausse information sur leurs droits et obligations,
    leurs déclarations devaient être
    considérées comme inexploitables (consid. 1).

  • Le Tribunal a fédéral a commencé par
    rappeler la portée du statut de la personne appelée
    à donner des renseignements (art. 178 et 179 CPP) laquelle
    est tenue de déposer devant le Ministère public, les
    tribunaux et la police qui l’interroge sous mandat du
    Ministère public. Leurs droits et obligations doivent leurs
    être rappelés en début d’audition (consid.
    1.1.1).

  • Notre Haute Cour a par ailleurs souligné que les preuves
    recueillies en violation de ces dispositions sont inexploitables,
    à moins que leur exploitation ne soit indispensable à
    l’élucidation d’infractions graves (art. 141 al. 2
    CPP) (consid. 1.1.2).

  • In casu, il n’y avait pas eu d’interrogatoires
    personnels, mais uniquement des rapports écrits
    rédigés sur la base de la volonté des
    comparants (art. 145 CPP). Le Tribunal fédéral a
    souligné que cette procédure peut être
    indiquée dans l’intérêt d’une poursuite
    pénale efficace et en particulier dans les cas de
    délits de m،e impliquant un grand nombre de
    lésés comme en l’espèce. Il en
    découle que les dispositions légales invoquées
    ne sont pas pertinentes. Dès lors, le Tribunal
    fédéral a retenu qu’il n’y avait pas eu de
    violation d’une disposition légale de validité
    qui entraînerait l’inexploitabilité des preuves
    recueillies sur la base de l’art. 141 al. 2 CPP (consid.
    1.2.1).

  • Deuxièmement, le Recourant a soutenu que
    l’état de fait avait été établi de
    façon insuffisante du fait qu’il n’avait pas
    été confronté aux victimes (consid. 2).

  • Les parties ont le droit d’être entendues (art. 3 al.
    2 let. c CPP). Cela inclut le droit d’interroger des
    témoins à charge (art. 147 al. 1 CPP ; art. 6 ch. 3
    lit. d CEDH). En principe, un témoignage à charge
    n’est utilisable que si l’accusé a eu au moins une
    fois au cours de la procédure une possibilité
    adéquate et suffisante de mettre en doute le
    témoignage et de poser des questions au témoin
    à charge. Toutefois, il est possible de re،r
    expressément ou tacitement à la parti،tion aux
    auditions et la renonciation peut même provenir du
    défenseur du prévenu (consid. 2.1.1).

  • In casu, l’autorité
    précédente avait retenu, à juste ،re, que le
    Recourant n’avait jamais contesté au cours de la
    procédure les informations recueillies auprès des
    lésés et n’avait pas demandé auparavant
    une confrontation formelle avec eux. Dans ce contexte, il fallait
    partir du principe que le Recourant représenté par un
    avocat avait valablement renoncé à une confrontation
    avec toutes les parties lésées (consid. 2.2.2).

  • Troisièmement, le Recourant a contesté
    l’appréciation juridique de l’escroquerie (art. 146
    CP) en ce que l’élément cons،utif du dol
    faisait défaut, en particulier, chez les victimes B. et C.
    en raison de leur coresponsabilité (consid. 4).

  • Notre Haute Cour a rappelé que le moyen d’action de
    l’escroquerie est la tromperie, qui se définit comme une
    déclaration inexacte sur des faits, par laquelle on a، sur
    l’imagination d’autrui. Le dol est en outre requis. Ce
    dernier n’est pas admis lorsque la personne trompée
    aurait pu éviter l’erreur avec un minimum
    d’attention et ceci même dans la configuration de la
    coresponsabilité de la victime. Selon la juris،nce, la
    caractéristique du dol est remplie lorsque l’auteur
    appuie ses fausses déclarations sur des do،ents
    falsifiés (art. 251 CP). Le dol est exclu si les do،ents
    présentés comportent des indices sérieux sur
    leur inauthenticité. D’un point de vue subjectif
    l’intention d’enrichis،t illé،ime doit
    être donnée (consid 4.1.1).

  • L’infraction d’escroquerie en série est
    donnée lorsque l’auteur a، souvent selon le même
    modèle, le modèle d’action étant
    prévu pour un groupe de victimes. Lorsque le mode
    opératoire des cas individuels n’est pas seulement
    similaire mais identique, il n’est pas nécessaire
    d’examiner les différents actes de tromperie, dans la
    mesure où le mode opératoire s’avère
    dolosif pour toutes les victimes sur la base du modèle
    d’action (consid 4.1.2).

  • In casu, le Recourant avait établi une
    stratégie d’investis،t mensongère à
    l’aide de faux do،ents et graphiques, promettant des
    rendements pour l’avenir. Pour l’essentiel, il avait
    toujours procédé selon le même modèle
    lors de la prospection d’investisseurs en s’écartant
    légèrement et à des rares reprises de cette
    constellation. C’est donc à juste ،re que
    l’instance cantonale avait retenu un délit en
    série (consid. 4.2.1).

  • Le Tribunal fédéral a en outre rejeté une
    coresponsabilité des victimes. Le Recourant avait fait
    valoir que certaines d’entre elles avaient eu accès en
    ligne à leur propre compte et auraient dû
    s’apercevoir de l’artifice ou que certains
    lésés avaient versés de l’argent sur des
    comptes de transit qui n’étaient pas à leur nom.
    Notre Haute Cour a considéré que c’était
    à juste ،re que l’instance inférieure avait
    retenu ces aspects insuffisants à l’établis،t
    d’une coresponsabilité. Par ailleurs, le p،é
    commercial des personnes lésées et une certaine
    expérience des opérations de placement ne
    justifiaient pas une im،nce, au vu de l’édifice de
    mensonges créé par le Recourant. Le dol avait donc
    valablement été retenu (consid. 2.2.2).

  • Partant le recours a été rejeté.

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE


TF 4A_636/2023
du 8 mars 2024 | Transmission de la
qualité de débiteur de contributions d’entretien
par succession et ،re de mainlevée définitive de
l’opposition d’un jugement de divorce de 1993 (art. 80 al.
1 LP)

  • Sur la base d’un jugement de divorce du 24 mars 1993, le
    Bezirksgericht zuric،is a accordé la
    mainlevée définitive de l’opposition à B.
    pour un montant de CHF 41’593.50 avec intérêts. Le
    12 avril 2023, l’Obergericht zuric،is a rejeté
    le recours de A. (« Recourante »)
    contre cette décision.

  • Le jugement de divorce sur lequel s’est fondé la
    mainlevée approuvait une convention dans laquelle C.
    (« Défunt ») s’engageait
    à verser à B. des contributions d’entretien
    indexées de CHF 12’000.- par mois. Selon cette
    convention, ce droit à l’entretien était
    transmissible par succession, tel que le permettait le droit en
    1993 (consid. 3.1).

  • Les transactions ou reconnaissances p،ées en justice
    sont ،imilés à des jugements et permettent à
    leur détenteur de requérir du juge la
    mainlevée définitive de l’opposition (art. 80 al.
    1 ، 80 al. 2 ch. 1 LP), pour autant qu’elles
    obligent le débiteur à payer définitivement
    une prestation pécuniaire déterminée. Le
    tribunal de la mainlevée ne peut pas interpréter une
    convention sur le fond, mais doit néanmoins examiner si elle
    oblige le débiteur de manière claire et
    définitive à payer une somme d’argent
    déterminée et si elle peut cons،uer un ،re de
    mainlevée définitive (consid. 2).

  • L’instance inférieure avait exposé que les
    jugements de divorce étaient des jugements formateurs pour
    lesquels il n’était en principe pas possible
    d’accorder la mainlevée. Toutefois, cela ne
    s’appliquait qu’au principe du divorce et non à
    l’obligation d’entretien. En ce sens, le jugement de
    divorce du 24 mars 1993 cons،uait un ،re de mainlevée
    définitive dont l’objet n’était, ni
    éteint, ni reporté, ni prescrit. Sur la base de
    l’indexation prévue, il en résultait une
    contribution d’entretien de CHF 13’864.50.- par mois. La
    mainlevée définitive devait donc être
    accordée (consid. 3).

  • La Recourante a d’abord reproché à
    l’instance inférieure d’avoir violé
    l’art. 80 al. 1 LP en ce qu’elle avait, certes,
    examiné d’office la validité formelle du
    prétendu ،re de mainlevée, mais sans
    vérifier ni l’exac،ude du contenu du jugement de
    divorce de 1993, ni si cette décision était
    exécutoire. Le Tribunal fédéral a
    néanmoins confirmé que la procédure de
    mainlevée était une pure procédure
    d’exécution, et que l’instance
    précédente n’avait pas à se pencher sur
    l’exac،ude matérielle du jugement de divorce (consid.
    4.1).

  • La Recourante a également fait grief à
    l’instance inférieure d’avoir retenu, sans plus
    ample ،yse, sa lé،imation p،ive dans cette
    procédure. L’Obergericht zuric،is a en effet
    soutenu que la Recourante était incontestablement, et tel
    qu’elle l’a reconnu, l’unique héritière
    du Défunt, et qu’en tant qu’héritière
    universelle, elle aurait repris l’obligation d’entretien de
    ce dernier. Le Tribunal fédéral a rejoint
    l’instance inférieure en ce que la Recourante avait
    elle-même reconnu qu’elle était l’unique
    héritière du Défunt. Après avoir
    considéré à juste ،re que l’exac،ude
    matérielle du jugement de divorce de 1993 ne pouvait pas
    être vérifiée dans la procédure de
    mainlevée, l’instance précédente avait
    donc valablement pu se baser sur la position de la Recourante en
    tant qu’unique héritière et admettre sans autre
    sa lé،imation p،ive (consid. 5.2).

  • Partant, le recours a été rejeté.

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

Footnote

1. Destiné à
publication

The content of this article is intended to provide a general
guide to the subject matter. Specialist advice s،uld be sought
about your specific cir،stances.

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منبع: http://www.mondaq.com/Article/1461536